Anora

Anora

USA, S. Baker, 2024CANNES_H80
Note : 4 / 5 – Très Bien

La dernière Palme d’or du festival de Cannes peut être perçue comme une comédie, alors que le film cache derrière sa façade pleine de paillettes un drame en tout point de vue. Alors, il y a certes une séquence endiablée, plutôt en début de film, qui prête largement à sourire. Mais c’est surtout grâce à une situation pathétique, au fort potentiel comique, brillamment mise en scène par Sean Baker. Le réalisateur cache derrière chacune de ces petites scènes humoristiques du drame en puissance. Et, en cela, il réalise un long-métrage d’une éblouissante finesse scénaristique. De la prostitution aux criantes inégalités économiques, de l’alcool à l’omniprésente superficialité, de la valeur du mariage au patriarcat nuisible, rien ne nous est épargné et surtout rien n’épargne cette pauvre Anora, victime permanente d’une société totalement toxique pour elle. Il faut une grande Mikey Madison pour incarner ce personnage stupéfiant qui passe par toutes les émotions et qui, trimbalée comme un objet, se bat pour conserver le peu de dignité qu’il lui reste. Les seconds rôles ne sont pas vraiment à la hauteur de l’épatante révélation féminine. Sauf peut-être le jeune Mark Eydelshteyn, qui incarne son jeune compagnon russe, et qui réalise au début une prestation assez baroque et fort convaincante, avant de disparaitre au sens propre comme au sens figuré. Faux conte de fée qui se transforme en vrai cauchemar, le film de Sean Baker a de l’audace à revendre, n’a pas peur de déranger, nous scotche par son épilogue cruel, et est donc reparti avec une Palme méritée.R.M.